jeudi 12 octobre 2023

La culture d'entreprise

Témoignage d’Eric ingénieur R&D dans l’industrie de la santé. Eric s’est expatrié en Allemagne après avoir été confronté en France à de multiples difficultés et obstacles pour exercer son métier.  

« D’une façon générale les conditions de travail étaient difficiles, car les ingénieurs RD sont aussi chef de projet, donc astreints à toutes sortes de tâches bureaucratiques (inflation de procédures en tous genres) et de management (relance permanente des intervenants sur les projets). Ce qui laisse peu de temps pour l’innovation. Les rapports entre employés, mais aussi de ces derniers avec la hiérarchie, étaient très conflictuels, parfois avec des insultes proférées par certains! La hiérarchie tranchait, même lorsqu’elle était incompétente pour les domaines concernés. Les difficultés et la conflictualité s’exprimaient à travers différents éléments. Je peux citer par exemple : des bureaux exigus et bruyants, le manque de moyens, l’appropriation des idées d’autrui, comme par exemple les membres de la direction imposant d’être cités comme co-inventeurs sans pour autant avoir apporté d’idées. 

Quand malgré tout, je parvenais à innover, il n’y avait aucune reconnaissance et récompense financière. Le management disait que, quelle que soit l’importance de l’innovation, « c’est normal, c’est la fonction de la R&D ! ». D’où l’absence de rémunération complémentaire liée aux brevets exploités. Aussi, les ressources humaines diminuaient…En revanche, le moindre accroc dans le déroulement d’un projet et la sanction tombe sur le chef de projet R&D, sans même qu’il y ait une recherche de l’origine du problème. Le management que j’ai connu en France était autoritaire, les argumentaires et analyses des ingénieurs n’étaient souvent pas pris en considération.

Un conflit avec mon employeur lié aux problèmes évoqués ci-dessus m’a amené à chercher un autre emploi. J’ai contacté des entreprises françaises via des cabinets de recrutement, qui obligent à faire de nombreux déplacements (trois en général sur des durées de 3 à 4 mois) pour les entretiens d’embauche, les frais du premier déplacement étant à la charge du candidat. Souvent, les recruteurs ne donnent plus signe de vie à la suite des entretiens, à se demander s’il y avait un recrutement réel ! Par conséquent, compte tenu de toutes ces difficultés, il y avait quelques années que je pensais sérieusement à tenter une expérience à l’étranger.

En Allemagne j’ai été recruté très rapidement, aucun test psychotechnique. J’ai répondu à une annonce, une seule, pour un recrutement en Allemagne, deux entretiens en un mois, tous frais de déplacements remboursés. Un salaire de 60% supérieur, des augmentations de salaire annuelles automatiques et un revenu complémentaire fonction des ventes de produits dont je suis inventeur ou co-inventeur. Les entretiens ont eu lieu exclusivement avec des directeurs et ingénieurs et portaient sur des questions purement techniques. Le deuxième entretien a essentiellement porté sur les conditions financières, j’ai fixé mon salaire et, sans que je le demande, ils ont rajouté les frais de déménagement, les cours particuliers de langue, six mois de logement dans un meublé, des primes et augmentations automatiques calculées selon une méthode spécifiée dans le contrat.

Pendant les premiers mois au sein de l’entreprise, j’ai suivi un cursus d’entretiens de présentation avec divers services dans divers sites, puis des formations sur les produits et l’organisation. Ensuite j’ai mené divers projets, dont un assez complexe avec une filiale dans un pays de l’Est. Au début, j’ai été épaulé et conseillé par un collègue allemand ayant une longue expérience de la société. Les relations avec les collègues sont amicales et décontractées, je n’ai jamais vu des collègues allemands se disputer, les problèmes sont abordés tranquillement. Par ailleurs la hiérarchie allemande est bien moins tatillonne que la hiérarchie française qui s’arrête sur les détails les plus insignifiants – quitte à ce qu’il y ait un peu de flou parfois, mais ça laisse plus de souplesse et d’adaptabilité dans la collaboration.

En Allemagne, la hiérarchie écoute les remarques sans les considérer comme des critiques négatives. Chaque année, un document détaillé d’entretien est à remplir où il nous est demandé quels problèmes nous avons rencontrés, quelles solutions nous proposons, quel type de formations nous souhaitons. Par exemple, j’avais mentionné certains problèmes d’organisation, la hiérarchie a écouté tranquillement et a mis en place des changements pour les résoudre.

La confiance de la hiérarchie est importante et elle laisse beaucoup plus de marges d’autonomie, les décisions sont beaucoup moins faites par la hiérarchie au regard de ce que j’ai connu en France. Sinon, ce type de management sait féliciter quand des bons résultats arrivent, ce qui est motivant – et moins le cas en France. Des félicitations orales et l’expression d’un enthousiasme sincère envers les individus et les équipes lors des réunions. Lorsqu’un nouveau produit est commercialisé, il est présenté dans un document interne. Un concours annuel récompense les meilleures innovations lors d’une cérémonie de remise des prix accompagnée d’une récompense financière qui s’ajoute à la rémunération liée aux brevets.

En France, l’accueil des bonnes idées reste très froid, voire empreint de défiance ou même d’hostilité lors de la première présentation. Les ingénieurs R&D sont considérés comme des professeurs Tournesol peu sérieux ou alors atypiques, donc dérangeants. Dans la mesure où les inventeurs salariés sont peu rémunérés et n’ont pas d’intéressement en fonction des ventes des produits inventés, je pense que la R&D est surtout considérée comme un coût en France. En Allemagne, le caractère éventuellement atypique n’est pas considéré comme un défaut, mais plutôt comme une caractéristique inhérente à cette activité. La créativité est une valeur souvent mentionnée comme importante et elle est récompensée, quel que soit le niveau de diplôme ».

Source: https://gestion-des-risques-interculturels.com/pays/europe/france/freins-culturels-a-linnovation-en-france-un-inventeur-salarie-temoigne/


A la lumière de ces déclaration, comparer la culture de l'entreprise française à la culture de l'entreprise allemande dans lesquelles cet ingénieur a travaillé

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