mardi 17 octobre 2023

Exemple de négociation internationale

Négociation avec des partenaires chinois 


Ce cas prend appui sur un entretien approfondi réalisé auprès de J. Gattepaille, Président du GALEC et ancien responsable du bureau de Hong Kong, SIPLEC International. Il vise à rendre compte des difficultés rencontrées par le groupement E. Leclerc au milieu des années quatre-vingt, dans sa volonté de pénétrer le marché chinois. Le cas porte notamment sur le profil culturel des négociateurs chinois et les problèmes initiaux rencontrés par le distributeur français dans sa politique de développement.

«Dans les années quatre-vingt, lorsque nous avons décidé avec les centres E. Leclerc d'investir le marché asiatique à la recherche de nouveaux fournisseurs, les débuts furent assez difficiles. Tout d'abord, nous avons cherché à nous informer auprès des organismes de commerce locaux et des autorités compétentes. Cette approche un peu directe s'est révélée très vite inefficace. Visiblement, on ne nous prenait pas très au sérieux. Et l'accueil fut en fin de compte assez glacial. Nous avons dès lors opté pour une autre stratégie, en misant sur le salon international de Canton (Chine) qui réunit les principaux professionnels et coopératives régionales. Ceci nous permit d'avoir différents contacts intéressants. Mais les négociations commerciales n'ont pas été simples. La principale difficulté a été de comprendre qui était en face de nous, le rôle et la fonction de nos interlocuteurs. Ceux-ci changeaient assez souvent, écoutaient beaucoup mais parlaient peu. Ils avaient tous des titres importants, si bien qu'il était difficile de connaître réellement leurs liens hiérarchiques et leur influence exacte dans l'organisation. On avait néanmoins l'impression que le nombre élevé de personnes autour de nous n'était pas le fruit du hasard, qu'ils se communiquaient entre eux, attendaient un signal de l'un ou de l'autre. L'un d'entre eux dormait par exemple à moitié. On ne savait pas d'ailleurs qui il était. Un autre faisait fréquemment des gestes ou parfois croisait le regard d'un tiers, sans que l'on soit véritablement impliqué dans les discussions. Tout cela dans un climat un peu informel, bon enfant. Enfin, en apparence... Du coup, il n'était pas toujours évident de se concentrer et d'essayer de savoir qui réellement convaincre, qui était le véritable décideur. On l'a d'ailleurs souvent appris, une fois l'accord signé. L'autre problème était que l'on n'avait pas d'ordre de grandeur précis au niveau des prix et de la valeur exacte des articles. On nous fixa assez rapidement un prix qui au regard du marché français nous semblait intéressant. Mais on ne savait pas réellement ce qu'il en était du point de vue du marché local, au regard du coût de revient et des usages locaux. Ce fut par conséquent, surtout lors des premiers échanges, une expérience pas toujours agréable à vivre. Car on avançait sans réellement de référent, de point de repère, face à des interlocuteurs toujours polis mais qui ne nous aidaient pas dans nos recherches. Or habituellement, nous avons une analyse assez précise des coûts et des marges de manœuvre sur lesquelles il est possible de jouer. Par exemple, en France, on a déjà une base de négociation avec les conditions générales de vente et des tarifs. Il fut, pour nous, aussi instructif de réaliser que, malgré l'absence réelle de formalisation, les fournisseurs savaient très bien où nous amener et à quel prix ils étaient prêts à céder leurs produits ou inversement à refuser de poursuivre. Il était donc important de mettre en balance ce que l'on gagnait et ce que l'on perdait, en recherchant une issue équilibrée à la relation. Comprendre le point de vue de nos interlocuteurs a donc été essentiel, en évitant tout comportement pouvant leur faire perdre la face. On a très vite compris qu'il valait mieux s'inscrire dans une logique gagnant-gagnant et éviter de rechercher des bénéfices immédiats. Sur un plan purement culturel, ce fut donc un véritable choc car on avait face à nous des personnes qui adoptaient à la fois un comportement peu conventionnel, tout en ayant une idée claire sur les enjeux et la manière de mener à bien les échanges. Il importe dans ce domaine de bien connaître les usages du pays. Ainsi, par exemple, les Asiatiques aiment échanger des cadeaux. Il s'agit pour eux d'une marque de considération et d'intérêt. Les refuser par politesse ou gêne peut donc être considéré comme une offense, un manque de respect. Mieux vaut donc éviter tout malentendu On se rendit également compte que le temps ne jouait pas de la même manière pour eux et pour nous. Nous étions venus pour contracter et si possible au moindre coût et dans des délais raisonnables. Ils étaient là pour nous tester, apprendre à nous connaître et trouvaient normal que l'on fasse différents allers-retours, avant de coopérer réellement quitte à nous faire rencontrer d'autres personnes. À titre de comparaison, les négociations que nous avons menées avec ces fabricants nous ont pris en moyenne deux à trois fois plus de temps que celles pratiquées avec des partenaires européens... II nous est d'ailleurs arrivé d'attendre certains produits pendant plusieurs mois. Ceci nous a conduit à dépasser le cadre des relations commerciales classiques, en créant sur place un bureau à Hong Kong pour mieux gérer les relations commerciales et contrôler la qualité des produits en relation étroite avec un personnel chinois (recrutement local) sélectionné pour ses compétences techniques, relationnelles mais aussi linguistiques (maîtrise de l'anglais et prise en compte du cantonais et du mandarin en fonction des régions). Autant d'éléments qui nous ont amenés à modifier certains de nos comportements et à apprendre progressivement à aborder différemment nos partenaires asiatiques. »

(Propos développé par J. Gattepaille, Président du GALEC et ancien responsable du bureau de Hong Kong, SIPLEC International)

Source: O. MEIER Management Interculturel



1) Comment caractériser le comportement des fournisseurs chinois lors des négociations? 
2) Quelles sont les erreurs à ne pas commettre dans le cadre de négociations avec des entreprises chinoises?
3) Quelle est selon vous la meilleure façon de contracter avec des partenaires étrangers de culture et d'histoire très différentes ?

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