lundi 30 octobre 2023

Les dimensions culturelles de Hofstede

Dans son ouvrage « Culture and Organizations: International Studies of Management & Organization » publié en 1980, Geert Hofstede exposait les quatre dimensions majeures qu’il utilisa dans le cadre de son étude chez IBM :


1) la distance hiérarchique, c’est-à-dire le degré d’inégalité en matière de pouvoir et d’autorité qu’un membre d’un groupe accepte et auquel il s’attend entre son supérieur hiérarchique et lui-même. Ainsi, les membres d’une société au sein de laquelle la distance hiérarchique est élevée acceptent l’ordre hiérarchique établi et leur place au sein de cette hiérarchie sans remettre celle-ci en question. A contrario, dans une société dont la distance hiérarchique est faible les individus ont davantage tendance à soulever des interrogations sur ces inégalités de pouvoir tout en cherchant à les réduire ;


2) l’individualisme/le communautarisme, soit la dimension selon laquelle le « je » prime avant le « nous » dans certaines sociétés et les autres où les intérêts du groupe passent avant les intérêts personnels des membres de ce groupe ;


3) l’approche masculine/féminine, c’est-à-dire la tendance pour une société à privilégier la compétitivité et les rapports de force à l’harmonie et la recherche de consensus (on parle alors de société masculine) ou vice-versa (société dite féminine) ;


4) le contrôle de l’incertitude, c’est-à-dire le degré de tolérance des membres d’un groupe vis-à-vis de situations incertaines ou ambiguës. En d’autres termes, il s’agit de comprendre si la société en question adopte une attitude contrôlée, réfractaire à l’inconnu ou au contraire, une attitude détendue vis-à-vis de ce qu’on ne peut prédire et de ce qui pourrait arriver.

Suite aux recherches et enquêtes complémentaires menées par Michael Harris Bond et Michael Minkoy, une cinquième dimension vint s’ajouter en 2010 aux quatre dimensions initialement évoquées par Hofstede : l’orientation à long terme/court terme. Cette nouvelle dimension vise à distinguer les sociétés qui possèdent une vision à long terme, encourageant les efforts présents en vue de se préparer de manière adéquate pour le futur, à celles ayant une vision à court terme, privilégiant davantage les traditions et les normes en l’état aux dépends de toute forme de changement qu’elles jugent avec méfiance.


En 2010 également, la dimension plaisir/modération vint compléter les précédentes au sein d’une nouvelle édition de l’ouvrage « Cultures et Organizations » de Hofstede, à nouveau sur la base des recherches de Michael Minkoy qui oppose les sociétés capables de satisfaire les besoins et désirs personnels des individus aux sociétés régit par des normes sociales strictes et prônant la régulation des pulsions de ses membres, autrement dit la modération.

Ces 6 dimensions culturelles éditées par Hofstede nous permettent donc de comprendre le fonctionnement des différentes cultures nationales que l’on peut retrouver au sein d’une entreprise et plus particulièrement comment ses dimensions se traduisent en matière de management.

En effet, un salarié issu d’une société où la distance hiérarchique est élevée, comme dans les pays latins européens ou les pays arabes par exemple,  s’attendra probablement à l’existence d’une structure pyramidale stricte au sein de l’entreprise et à un encadrement important de la part de ses supérieurs. Un collaborateur provenant d’une société dite individualiste pourra quant à lui chercher davantage à accroître sa liberté d’action dans l’entreprise. Par ailleurs, un haut contrôle de l’incertitude peut se traduire dans la sphère professionnelle par la mise en place de procédures strictes et d’outils de prévision pour garantir discipline et stabilité au sein de l’organisation.


Ces profils professionnels sont autant d’exemples illustrant l’influence que la culture nationale de tel ou tel collaborateur exerce sur son comportement en entreprise et sur les valeurs qui l’animent et auxquelles ils accordent une grande importance.

Pour autant les résultats récoltés par Hofstede ne constituent pas une science exacte car d’autres facteurs comme la personnalité de l’individu, son histoire personnelle ou encore sa richesse sont à considérer pour comprendre le comportement d’un individu. Hofstede précise d’ailleurs que les dimensions culturelles ne servent que de structure pour évaluer une culture nationale et ainsi à terme, pour manager de manière plus éclairée un individu collaborateur issu de telle ou telle culture.


L’enjeu pour un manager n’est donc pas d’être capable de prédire l’attitude d’un collaborateur à tout moment mais de l’envisager en tant qu’individu à part entière dont la personnalité, le comportement et les valeurs, s’ils peuvent être guidés par sa culture, lui restent propres.
Source:https://www.actformation.ch/post/les-six-dimensions-culturelles-d-hofstede-ou-l-art-d-%C3%AAtre-un-manager-%C3%A9clair%C3%A9

mardi 17 octobre 2023

Exemple de négociation internationale

Négociation avec des partenaires chinois 


Ce cas prend appui sur un entretien approfondi réalisé auprès de J. Gattepaille, Président du GALEC et ancien responsable du bureau de Hong Kong, SIPLEC International. Il vise à rendre compte des difficultés rencontrées par le groupement E. Leclerc au milieu des années quatre-vingt, dans sa volonté de pénétrer le marché chinois. Le cas porte notamment sur le profil culturel des négociateurs chinois et les problèmes initiaux rencontrés par le distributeur français dans sa politique de développement.

«Dans les années quatre-vingt, lorsque nous avons décidé avec les centres E. Leclerc d'investir le marché asiatique à la recherche de nouveaux fournisseurs, les débuts furent assez difficiles. Tout d'abord, nous avons cherché à nous informer auprès des organismes de commerce locaux et des autorités compétentes. Cette approche un peu directe s'est révélée très vite inefficace. Visiblement, on ne nous prenait pas très au sérieux. Et l'accueil fut en fin de compte assez glacial. Nous avons dès lors opté pour une autre stratégie, en misant sur le salon international de Canton (Chine) qui réunit les principaux professionnels et coopératives régionales. Ceci nous permit d'avoir différents contacts intéressants. Mais les négociations commerciales n'ont pas été simples. La principale difficulté a été de comprendre qui était en face de nous, le rôle et la fonction de nos interlocuteurs. Ceux-ci changeaient assez souvent, écoutaient beaucoup mais parlaient peu. Ils avaient tous des titres importants, si bien qu'il était difficile de connaître réellement leurs liens hiérarchiques et leur influence exacte dans l'organisation. On avait néanmoins l'impression que le nombre élevé de personnes autour de nous n'était pas le fruit du hasard, qu'ils se communiquaient entre eux, attendaient un signal de l'un ou de l'autre. L'un d'entre eux dormait par exemple à moitié. On ne savait pas d'ailleurs qui il était. Un autre faisait fréquemment des gestes ou parfois croisait le regard d'un tiers, sans que l'on soit véritablement impliqué dans les discussions. Tout cela dans un climat un peu informel, bon enfant. Enfin, en apparence... Du coup, il n'était pas toujours évident de se concentrer et d'essayer de savoir qui réellement convaincre, qui était le véritable décideur. On l'a d'ailleurs souvent appris, une fois l'accord signé. L'autre problème était que l'on n'avait pas d'ordre de grandeur précis au niveau des prix et de la valeur exacte des articles. On nous fixa assez rapidement un prix qui au regard du marché français nous semblait intéressant. Mais on ne savait pas réellement ce qu'il en était du point de vue du marché local, au regard du coût de revient et des usages locaux. Ce fut par conséquent, surtout lors des premiers échanges, une expérience pas toujours agréable à vivre. Car on avançait sans réellement de référent, de point de repère, face à des interlocuteurs toujours polis mais qui ne nous aidaient pas dans nos recherches. Or habituellement, nous avons une analyse assez précise des coûts et des marges de manœuvre sur lesquelles il est possible de jouer. Par exemple, en France, on a déjà une base de négociation avec les conditions générales de vente et des tarifs. Il fut, pour nous, aussi instructif de réaliser que, malgré l'absence réelle de formalisation, les fournisseurs savaient très bien où nous amener et à quel prix ils étaient prêts à céder leurs produits ou inversement à refuser de poursuivre. Il était donc important de mettre en balance ce que l'on gagnait et ce que l'on perdait, en recherchant une issue équilibrée à la relation. Comprendre le point de vue de nos interlocuteurs a donc été essentiel, en évitant tout comportement pouvant leur faire perdre la face. On a très vite compris qu'il valait mieux s'inscrire dans une logique gagnant-gagnant et éviter de rechercher des bénéfices immédiats. Sur un plan purement culturel, ce fut donc un véritable choc car on avait face à nous des personnes qui adoptaient à la fois un comportement peu conventionnel, tout en ayant une idée claire sur les enjeux et la manière de mener à bien les échanges. Il importe dans ce domaine de bien connaître les usages du pays. Ainsi, par exemple, les Asiatiques aiment échanger des cadeaux. Il s'agit pour eux d'une marque de considération et d'intérêt. Les refuser par politesse ou gêne peut donc être considéré comme une offense, un manque de respect. Mieux vaut donc éviter tout malentendu On se rendit également compte que le temps ne jouait pas de la même manière pour eux et pour nous. Nous étions venus pour contracter et si possible au moindre coût et dans des délais raisonnables. Ils étaient là pour nous tester, apprendre à nous connaître et trouvaient normal que l'on fasse différents allers-retours, avant de coopérer réellement quitte à nous faire rencontrer d'autres personnes. À titre de comparaison, les négociations que nous avons menées avec ces fabricants nous ont pris en moyenne deux à trois fois plus de temps que celles pratiquées avec des partenaires européens... II nous est d'ailleurs arrivé d'attendre certains produits pendant plusieurs mois. Ceci nous a conduit à dépasser le cadre des relations commerciales classiques, en créant sur place un bureau à Hong Kong pour mieux gérer les relations commerciales et contrôler la qualité des produits en relation étroite avec un personnel chinois (recrutement local) sélectionné pour ses compétences techniques, relationnelles mais aussi linguistiques (maîtrise de l'anglais et prise en compte du cantonais et du mandarin en fonction des régions). Autant d'éléments qui nous ont amenés à modifier certains de nos comportements et à apprendre progressivement à aborder différemment nos partenaires asiatiques. »

(Propos développé par J. Gattepaille, Président du GALEC et ancien responsable du bureau de Hong Kong, SIPLEC International)

Source: O. MEIER Management Interculturel



1) Comment caractériser le comportement des fournisseurs chinois lors des négociations? 
2) Quelles sont les erreurs à ne pas commettre dans le cadre de négociations avec des entreprises chinoises?
3) Quelle est selon vous la meilleure façon de contracter avec des partenaires étrangers de culture et d'histoire très différentes ?

dimanche 15 octobre 2023

L'impact des cultures nationales des pays subsahariens sur la GRH


 

Lors de notre campagne d’étude en République démocratique du Congo, l’occasion inattendue nous a été offerte d’assister à la grève qui opposait la direction générale de la filiale locale d’une multinationale occidentale à la majorité des ouvriers à qui on venait d’imposer un système d’attribution de primes individuelles de performance en vue d’accroître leur productivité. Depuis l’implantation de cette filiale à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, la rémunération de ces ouvriers ne comportait pas de primes individuelles, mais des « récompenses collectives » distribuées sous forme de lots de produits en nature par le P.D.G. de cette filiale. Autrement dit, cette reconnaissance sous forme de gratification matérielle dont l’importance (en valeur ou en volume) variait en fonction des performances réalisées par chaque atelier venait s’ajouter au salaire fixe versé individuellement à chaque salarié selon sa qualification et son ancienneté. Toutefois, à l’intérieur de chaque atelier de production, c’est-à-dire dans une même communauté de travail, tous les membres, excepté les chefs d’équipes, recevaient un lot d’importance égale, essentiellement composé de produits alimentaires qu’ils avaient fabriqués et conditionnés eux-mêmes. De fait, la grève a éclaté au lendemain de la présentation officielle de ce nouveau système, donnée par la direction des ressources humaines dans les différents services et ateliers de production. 

Pour arrêter cette grève, la direction de cette entreprise a d’abord fait appel à un second cabinet conseil, mais cette fois-ci d’origine européenne. Ses recommandations se résumaient essentiellement à la nécessité pour les dirigeants et les responsables des ateliers de rester fermes : « Vous devez affirmer votre autorité, et au besoin, séparez-vous des récalcitrants ou faites appel au pouvoir politique. Il faut que vous arriviez à garder le cap, sinon vous perdrez sur tous les tableaux. » Bien que les pressions exercées ensuite par les dirigeants aient été fortement appuyées par quelques agents du système politico-administratif local, la grande majorité du personnel a refusé de reprendre le travail, et la production s’est arrêtée pendant trois semaines. Mais pourquoi ces ouvriers africains – ayant des salaires plus bas, des bouches plus nombreuses à nourrir que leurs homologues occidentaux – ont-ils tant résisté, alors qu’ils perdaient leurs salaires et risquaient même d’être licenciés? 

Vers la fin de la seconde semaine de grève, la direction générale a constaté les limites de son approche autocratique. De même culture que les salariés en grève, le directeur du personnel, qui n’avait pas osé s’opposer aux directives des consultants engagés par sa direction générale, profita de cette occasion pour déclarer que le cabinet qui venait de les conseiller n’avait pas compris les mécanismes en œuvre dans cette résistance collective des ouvriers des quatre ateliers de production. À la lumière de cette analyse, le directeur général demanda au responsable du personnel de réunir quelques anciens salariés, réputés pour leur influence sociale à la fois sur les ouvriers à l’usine, mais aussi dans le quartier d’implantation de cette entreprise, afin de mieux comprendre ce qui se passait. Ce conseil de « sages » institué pour la circonstance et composé de personnes somme toute très attachées à l’entreprise a permis de mettre le doigt sur les enjeux à la fois économiques et identitaires pour lesquels les salariés ont préféré perdre trois semaines de salaire et risquer leur emploi plutôt que d’accepter l’individualisation des primes de productivité. Comme cela arrive assez souvent aujourd’hui dans les cas de transferts de technologies et de modèles de gestion de pays phares vers des pays moins avancés, aucun des deux consultants qui nous ont précédés dans cette filiale n’avaient envisagé que la plupart des salariés en grève avaient depuis longtemps pris l’initiative de mettre en place un système solidaire d’organisation du travail. Plusieurs principes et règles forment la base de ce système : l’apprentissage mutuel et la complémentarité des compétences, l’assistance réciproque et la solidarité au travail, c’est-à-dire une organisation fondée sur le modèle circulatoire qui leur permet de réaliser collectivement les objectifs assignés à chacun dans des délais inférieurs aux normes officielles (par exemple, les cadences, le volume de production) définies par le bureau des méthodes. Connu des chefs de service et des agents de maîtrise, ce système ne l’était pas au niveau de la direction générale. Mais tant qu’il ne gênait pas la productivité et qu’aucun ouvrier n’avait proposé ses services à la concurrence, le directeur du personnel, qui était également au courant, n’avait pas jugé nécessaire de le dénoncer ni de le combattre en faveur de l’alignement des ouvriers sur les standards de travail décidés par le bureau des méthodes de cette multinationale. Les ouvriers travaillaient depuis trois ans dans cette usine quand ils ont constaté que leurs salaires ne suffisaient pas à satisfaire les besoins de leurs familles. Ils se sont donc organisés pour travailler de façon complémentaire et solidaire à l’usine, et se sont associés pour monter de petits commerces ou des ateliers artisanaux leur permettant d’arrondir leurs fins de mois, sans toutefois remettre en cause le niveau de productivité exigé à l’usine.

Autrement dit, dans les quatre ateliers en grève, les relations dépassaient de loin le cadre professionnel. En effet, les complicités ainsi établies et les relations tissées dans l’informel amenaient chaque membre à rester très solidaire des autres en cas de difficulté familiale ou professionnelle. La grève pouvait d’autant plus durer que leurs maigres salaires étaient complétés par le revenu de leurs activités parallèles. En cas de problème ou de réduction des revenus comme ce fut le cas pendant cette grève, l’assistance réciproque fonctionnait à merveille dans une ambiance chaleureuse et amicale. Pour tout dire, une espèce de « tontine des énergies et des compétences » fonctionnait sous forme d’échange de services mutuels et de complémentarités opérationnelles à l’usine, mais aussi au village, et servait à régler les problèmes des uns et des autres. C’est seulement après avoir analysé la situation et compris les différents mécanismes en jeu que le conseil des sages – élargi de quelques personnalités influentes et reconnues par les communautés environnantes, mais également par les salariés initialement réunis par le directeur du personnel − a pu présenter des solutions pertinentes, fruits de sa réflexion collective. Un processus de concertation tenant compte de toutes les catégories du personnel avait donc été engagé avec comme principe directeur le respect des enjeux respectifs de l’entreprise et des ouvriers en grève.

Plusieurs réunions ont été nécessaires pour en arriver à un accord : la direction générale a accepté d’augmenter les salaires de tous les ouvriers moyennant un volume de production légèrement plus élevé que d’habitude. De plus, la direction générale a reconnu le fait que la grève pouvait durer très longtemps, mais aussi que les ouvriers pouvaient aisément accroître leur productivité grâce aux méthodes efficaces de travail collectif qu’ils avaient préalablement mis au point à l’insu du bureau des méthodes.

Source: Evalde MUTABAZI 
Culture et gestion en Afrique noire : le modèle circulatoire






jeudi 12 octobre 2023

La culture d'entreprise

Témoignage d’Eric ingénieur R&D dans l’industrie de la santé. Eric s’est expatrié en Allemagne après avoir été confronté en France à de multiples difficultés et obstacles pour exercer son métier.  

« D’une façon générale les conditions de travail étaient difficiles, car les ingénieurs RD sont aussi chef de projet, donc astreints à toutes sortes de tâches bureaucratiques (inflation de procédures en tous genres) et de management (relance permanente des intervenants sur les projets). Ce qui laisse peu de temps pour l’innovation. Les rapports entre employés, mais aussi de ces derniers avec la hiérarchie, étaient très conflictuels, parfois avec des insultes proférées par certains! La hiérarchie tranchait, même lorsqu’elle était incompétente pour les domaines concernés. Les difficultés et la conflictualité s’exprimaient à travers différents éléments. Je peux citer par exemple : des bureaux exigus et bruyants, le manque de moyens, l’appropriation des idées d’autrui, comme par exemple les membres de la direction imposant d’être cités comme co-inventeurs sans pour autant avoir apporté d’idées. 

Quand malgré tout, je parvenais à innover, il n’y avait aucune reconnaissance et récompense financière. Le management disait que, quelle que soit l’importance de l’innovation, « c’est normal, c’est la fonction de la R&D ! ». D’où l’absence de rémunération complémentaire liée aux brevets exploités. Aussi, les ressources humaines diminuaient…En revanche, le moindre accroc dans le déroulement d’un projet et la sanction tombe sur le chef de projet R&D, sans même qu’il y ait une recherche de l’origine du problème. Le management que j’ai connu en France était autoritaire, les argumentaires et analyses des ingénieurs n’étaient souvent pas pris en considération.

Un conflit avec mon employeur lié aux problèmes évoqués ci-dessus m’a amené à chercher un autre emploi. J’ai contacté des entreprises françaises via des cabinets de recrutement, qui obligent à faire de nombreux déplacements (trois en général sur des durées de 3 à 4 mois) pour les entretiens d’embauche, les frais du premier déplacement étant à la charge du candidat. Souvent, les recruteurs ne donnent plus signe de vie à la suite des entretiens, à se demander s’il y avait un recrutement réel ! Par conséquent, compte tenu de toutes ces difficultés, il y avait quelques années que je pensais sérieusement à tenter une expérience à l’étranger.

En Allemagne j’ai été recruté très rapidement, aucun test psychotechnique. J’ai répondu à une annonce, une seule, pour un recrutement en Allemagne, deux entretiens en un mois, tous frais de déplacements remboursés. Un salaire de 60% supérieur, des augmentations de salaire annuelles automatiques et un revenu complémentaire fonction des ventes de produits dont je suis inventeur ou co-inventeur. Les entretiens ont eu lieu exclusivement avec des directeurs et ingénieurs et portaient sur des questions purement techniques. Le deuxième entretien a essentiellement porté sur les conditions financières, j’ai fixé mon salaire et, sans que je le demande, ils ont rajouté les frais de déménagement, les cours particuliers de langue, six mois de logement dans un meublé, des primes et augmentations automatiques calculées selon une méthode spécifiée dans le contrat.

Pendant les premiers mois au sein de l’entreprise, j’ai suivi un cursus d’entretiens de présentation avec divers services dans divers sites, puis des formations sur les produits et l’organisation. Ensuite j’ai mené divers projets, dont un assez complexe avec une filiale dans un pays de l’Est. Au début, j’ai été épaulé et conseillé par un collègue allemand ayant une longue expérience de la société. Les relations avec les collègues sont amicales et décontractées, je n’ai jamais vu des collègues allemands se disputer, les problèmes sont abordés tranquillement. Par ailleurs la hiérarchie allemande est bien moins tatillonne que la hiérarchie française qui s’arrête sur les détails les plus insignifiants – quitte à ce qu’il y ait un peu de flou parfois, mais ça laisse plus de souplesse et d’adaptabilité dans la collaboration.

En Allemagne, la hiérarchie écoute les remarques sans les considérer comme des critiques négatives. Chaque année, un document détaillé d’entretien est à remplir où il nous est demandé quels problèmes nous avons rencontrés, quelles solutions nous proposons, quel type de formations nous souhaitons. Par exemple, j’avais mentionné certains problèmes d’organisation, la hiérarchie a écouté tranquillement et a mis en place des changements pour les résoudre.

La confiance de la hiérarchie est importante et elle laisse beaucoup plus de marges d’autonomie, les décisions sont beaucoup moins faites par la hiérarchie au regard de ce que j’ai connu en France. Sinon, ce type de management sait féliciter quand des bons résultats arrivent, ce qui est motivant – et moins le cas en France. Des félicitations orales et l’expression d’un enthousiasme sincère envers les individus et les équipes lors des réunions. Lorsqu’un nouveau produit est commercialisé, il est présenté dans un document interne. Un concours annuel récompense les meilleures innovations lors d’une cérémonie de remise des prix accompagnée d’une récompense financière qui s’ajoute à la rémunération liée aux brevets.

En France, l’accueil des bonnes idées reste très froid, voire empreint de défiance ou même d’hostilité lors de la première présentation. Les ingénieurs R&D sont considérés comme des professeurs Tournesol peu sérieux ou alors atypiques, donc dérangeants. Dans la mesure où les inventeurs salariés sont peu rémunérés et n’ont pas d’intéressement en fonction des ventes des produits inventés, je pense que la R&D est surtout considérée comme un coût en France. En Allemagne, le caractère éventuellement atypique n’est pas considéré comme un défaut, mais plutôt comme une caractéristique inhérente à cette activité. La créativité est une valeur souvent mentionnée comme importante et elle est récompensée, quel que soit le niveau de diplôme ».

Source: https://gestion-des-risques-interculturels.com/pays/europe/france/freins-culturels-a-linnovation-en-france-un-inventeur-salarie-temoigne/


A la lumière de ces déclaration, comparer la culture de l'entreprise française à la culture de l'entreprise allemande dans lesquelles cet ingénieur a travaillé

lundi 9 octobre 2023

La culture nationale marocaine perçue par un expatrié français

« Je suis installé au Maroc et plus précisément à Casablanca depuis Avril 2006 soit presque 5 ans. J’ai fait le choix de suivre mon épouse qui travaillait pour une multinationale en France quand cette dernière lui a proposé un poste à Casablanca. L’envie de vivre dans un autre pays pour approcher une autre culture et offrir à nos enfants une autre vision du monde, retrouver une qualité de vie ont été nos principales motivations. Arrivé pour ma part sans travail, j’ai décidé de créer une société informatique à Casablanca pour construire un logiciel d’agrégation de compte en mode ASP pour la profession des gestionnaires de patrimoine indépendants, corporation dont je suis issu. J’avais ce projet en tête depuis longtemps mais les coûts d’un tel projet en France étaient trop importants pour que je puisse le réaliser. Le rapport des coûts salariaux entre la France et le Maroc étant à l’époque de 1 à 4, j’ai donc pu recruter mon équipe de développeurs informatiques sur place. La société a compté jusqu’à 12 personnes, compte-tenu de la qualité du travail fourni, le logiciel a séduit une SSII française qui a racheté l’intégralité de la société en 2008.

Comme dans tous les pays émergents les recrutements s’effectuent plus au niveau de l’encadrement supérieur ou des techniciens confirmés. Pour le reste soyons clair, le Maroc protège son marché et il existe une préférence nationale à diplôme équivalent. Les secteurs qui recrutent sont l’offshoring, l’hôtellerie, la distribution, le BTP pour la réalisation des grandes infrastructures (Tanger Med, la mise en place du futur TGV, etc.). Il existe aujourd’hui 700 filiales au Maroc de groupes français. Mais attention ce n’est plus l’eldorado d’il y a quelques années, le pays a un réservoir de candidats marocains bien formés qui ont fréquenté les grandes écoles françaises et anglo-saxonnes. Les expatriés français sont souvent là pour initier, structurer, former et puis souvent ensuite passer la main aux Marocains. Depuis la crise de fin 2008, beaucoup de Français sont venus tenter leur chance pour monter de nouvelles affaires. L’intégration au Maroc est facile pour peu que l’on accepte les spécificités du pays. Une administration très tatillonne (obtenir une carte de séjour ressemble au parcours du combattant en tout cas à Casablanca), une notion du temps et des rendez-vous toutes relatives, un management des équipes totalement différent de celui pratiqué en France.

Si vous aimez les choses bien carrées, bien finies et que la patience n’est pas la première de vos qualités, oubliez ce pays sinon vous finirez avec un ulcère. Deuxième point, ne pas oublier également que ce pays est profondément musulman et que les Marocains remettent beaucoup de choses entre les mains de Dieu (« Inch’allah »). Troisième point, les Marocains n’étant réputés pour être de bons payeurs (au mieux ils vous paieront avec beaucoup de retard) et que vous souhaitez commercer localement, une bonne trésorerie est à prévoir. Les Marocains possèdent aussi une grande joie de vivre. Dès que vous sortez des grandes villes vous retrouvez une vraie authenticité et une grande hospitalité. Et puis, pour être franc, je ne pourrais pas avoir le niveau de vie et la qualité de vie que j’ai au Maroc en France. »

                                                                                        Témoignage d’un expatrié français au Maroc
                                                    Source: https://www.helloworkplace.fr/maroc-temoignage-et-conseils-dun-expatrie/

1. D'après ce témoignage, quelles sont les caractéristiques :
            - de la culture nationale marocaine ?
            - de la culture managériale marocaine ?

2. Est ce que ce français est un bon profil pour l'expatriation? 

jeudi 5 octobre 2023

Qu'est ce que la culture ?

Dans "Culture: a critical review of concepts and definitions", les anthropologues américains Kroeber et Kluckhohn recensent 162 définitions de la culture dans la littérature depuis le XVIIIe siècle.

Conception  restrictive de la culture : 

"Savoir transmis par des institutions et valorisé par un groupe particulier"


Définition psycho-anthopologique : 

Ensemble de systèmes de significations propres à un groupe, significations prépondérantes qui apparaissent comme valeurs et donnent naissance à des règles et à des normes que le groupe conserve et s’efforce de transmettre et par lesquelles il se particularise, se différencie des groupes voisins. Ensemble de significations que tout individu est amené à assimiler, à recréer pour lui tout au long de sa vie. La culture… c’est surtout et d’abord ce qui se fait et ce qui existe comme ayant du sens dans une communauté particulière. C’est ainsi que l’individu qui s’est approprié ces formes en s’y identifiant, acquiert une identité culturelle.
                                                Claude Canet, L’interculturel, 1993


Définition anthroplogique : 

L’ensemble des comportements, savoirs et savoir-faire caractéristiques d’un groupe humain ou d’une société donnée, ces activités étant acquises par un processus d’apprentissage et transmises à l’ensemble de ses membres .
                                    Laplantine, 1987


Edward T Hall :
La culture, c’est l’ensemble des pratiques d’une société résultant des multiples processus de communication : « la plupart des difficultés des gens entre eux se rapportent à la déformation de la communication… La culture est imposée à l’homme. La culture fait le lien entre les hommes et leurs moyens d’interaction. 

Hall précise que : la culture lie les hommes de manière inconsciente… » 
                                
                                                                  Le langage silencieux, p.210-212
 

Geert Hofstede 

La culture est un « logiciel de l'esprit » qui nous guide dans nos interactions quotidiennes. 

« La culture est toujours un phénomène collectif, car il est au moins partiellement partagé avec les gens qui vivent ou qui vivaient dans le même milieu social, qui est l'endroit où la culture a été apprise ou acquise. 

Il s'agit de la programmation collective de l'esprit qui distingue les membres d'un groupe ou d’ une catégorie de personnes d’une autre catégorie »

                                        Hostede, Geert (1991) Cultures and Organizations: Software of the Mind 

lundi 2 octobre 2023

Bibliographie indicative


Voici une liste de quelques ouvrages utiles pour la compréhension du Management Interculturel 


Chevrier S. (2010), Le management interculturel, Que sais-je ?, PUF, 2ème édition

Davel E., Dupuis J-P. et Chanlat J-F.  (2008), Gestion en contexte interculturel, Presses Universitaires de Laval

d’Iribarnes P. (1989), La logique de l’honneur, Editions du Seuil

d’Iribarnes P., Henry A., Segal J-P. Chevrier S. et Globokar T. (1998), Cultures et Mondialisation, Editions du seuil. 

Meier O. (2010), Management interculturel, Dunod, 4ème édition